Quels pays proposent le meilleur enseignement supérieur ?
Les universités sont vitales si l’on veut mettre en valeur le capital humain. Ce sont des rouages essentiels dans l’économie mondiale du savoir. Si, autrefois, les études supérieures étaient réservées à une minorité, elles constituent aujourd’hui un pré requis pour entrer dans les classes moyennes, et plus encore pour appartenir à l’élite.
La compétition entre les universités a donné lieu à la création de classements visant à déterminer les plus compétitives sur le plan international. Ces listes se fondent en général sur des indicateurs comme le nombre de publications de recherches, le prestige et la réussite des anciens étudiants. Bien que les diverses mesures produisent des classements différents, les meilleurs établissements universitaires sur le plan international sont souvent les mêmes d’un classement à l’autre.
Le nombre d’établissements classés au niveau mondial d’un pays est donc invariablement utilisé pour évaluer la qualité de son enseignement supérieur. Cependant, cela ne prend pas en compte l’inégalité croissante au sein de l’enseignement supérieur.
L’enjeu actuel : l’inégalité
L’inégalité est l’un des plus grands enjeux de notre société. Mais le débat se focalise sur l’inégalité des revenus et du patrimoine : on accorde beaucoup moins d’attention à l’inégalité d’accès à un enseignement supérieur de qualité. Pourtant, l’inégalité en matière d’éducation est un facteur d’inégalité des revenus et elle est constitutive de « l’appariement assortatif » : les personnes privilégiées fréquentent les mêmes universités et se marient entre elles, ce qui empire l’inégalité des revenus.
Une autre façon d’envisager la qualité de l’enseignement supérieur (en se concentrant sur l’inégalité) consiste à prendre en compte la proportion des universités d’un pays qui sont classées au niveau international. Cela donne une idée de la proportion de la population d’un pays qui a accès à un enseignement supérieur de qualité. En fait, pour mesurer l’inégalité d’accès à l’enseignement supérieur de qualité, on calcule la différence entre la performance d’un pays en nombre absolu d’institutions compétitives et la proportion d’établissements de ce pays classés au niveau international.
L’inégalité d’accès à l’enseignement supérieur de qualité crée une fracture dans notre société, en particulier quand les personnes méritantes mais défavorisées ne peuvent accéder au même enseignement que les élites. Le monde fermé des établissements d’enseignement prestigieux est réservé aux élites, tandis que le peuple n’accède qu’aux établissements de seconde catégorie. Non seulement les établissements fréquentés par l’élite offrent un meilleur environnement pour l’accumulation du capital humain, mais ils favorisent aussi le réseautage social et développent le capital social, deux atouts essentiels pour réussir, tout en excluant les moins avantagés.
Les universités américaines sont-elles aussi performantes que nous le croyons ?
Les États-Unis, qui occupent régulièrement la première place du classement des établissements d’enseignement supérieur par pays, offrent-ils réellement un enseignement de qualité ? Seule une petite partie des américains étudient au sein des universités classées au niveau mondial, dont la majorité se trouve aux États-Unis. La majeure partie des établissements d’enseignement supérieur américains n’apparaissent pas sur les classements mondiaux. Seuls 3% des universités du pays sont classés dans les 200 meilleures mondiales, 5% dans les 500 meilleures mondiales et 8% dans les 1 000 premières, ce qui place le pays aux 13ème, 21ème et 22ème rangs respectivement. L’étudiant américain moyen ne fréquente pas ces établissements. Aux États-Unis, l’enseignement supérieur se voue aux élites, pas à la masse. Quelle comparaison établir avec les autres pays ?
Les tableaux ci-dessous montrent la différence en termes de performance entre (i) les établissements destinés aux élites en nombre absolu et (ii) la proportion d’établissements du pays classés au niveau mondial. Les flèches indiquent différence de rang obtenu sur ces deux mesures. (NB : la liste des pays n’est pas nécessairement identique dans les deux cas).
Hong Kong ne compte que quatre universités parmi les 200 meilleurs établissements mondiaux, mais cela représente 18 % des établissements d’enseignement supérieur du pays ; en outre, plus d’un quart (27 %) de ses établissements comptent parmi les 500 meilleurs au monde.
Au Royaume-Uni, le nombre absolu d’établissements d’enseignement supérieur classés au niveau mondial est important (le pays se place juste derrière les États-Unis) et on note une forte proportion d’établissements classés au niveau mondial. Le pays se classe second en proportion de ses universités classées dans les 200 et 500 premières et c’est le leader mondial pour les 1 000 premières.
Un étudiant qui fréquenterait l’une des universités suédoises aurait une chance sur quatre (24 %) de se trouver dans un établissement classé au niveau mondial.
En Chine, 43 universités sont classées dans les 1 000 premières, mais cela ne représente que 2 % des institutions du pays. Le Japon et la Corée, deux pays asiatiques dont la réputation en termes de performance scolaire n’est plus à faire, comptent également un grand nombre d’établissements d’enseignement supérieur classés au niveau mondial (37 et 27 respectivement), mais la part de leurs établissements classés au niveau mondial est bien plus faible (4 % et 7 % respectivement).
L’Inde (qui sera bientôt le pays le plus peuplé au monde) ne compte que sept établissements classés au niveau mondial, ce qui représente moins de 1 % de ses institutions d’enseignement supérieur.
La question suivante s’impose : l’enseignement supérieur destiné aux élites est-il adéquat ? L’économiste et professeur à Princeton Alan Krueger et le chercheur Stacy Dale Berg font remarquer que les étudiants compétents qui fréquentent des établissements moins sélectifs ne souffrent pas d’une rémunération inférieure au cours de leur vie professionnelle. Cependant, les étudiants économiquement désavantagés ne tirent aucun avantage à fréquenter des universités sélectives. Toutefois, cette étude concernait uniquement les établissements destinés aux élites et certains autres, moins sélectifs.
On peut aussi se demander si une plus grande proportion d’établissements d’enseignement supérieur destinés aux élites dans un pays donné (qui procurent un enseignement supérieur de qualité) entraîne une performance académique moyenne supérieure. Le chiffre ci-dessous mesure cette relation en utilisant les scores du GMAT (par pays) afin d’évaluer la performance académique.
Bien que la corrélation entre la proportion d’établissements classés au niveau mondial et le score moyen du GMAT n’est pas importante (ρ = 0,218), elle reste positive et statistiquement différente de zéro. On remarque que cette corrélation serait plus serrée si la Chine et l’Inde étaient exclues de l’échantillon.
Ce qui préoccupe le citoyen moyen n’est pas l’existence d’établissements tels que Stanford ou Oxford, mais plutôt le niveau des établissements d’enseignement supérieur que ses enfants fréquenteront. Dans ce domaine, les politiques doivent garantir l’accès à un enseignement supérieur de qualité à tous les citoyens, et non pas uniquement aux élites. Un enseignement supérieur de qualité ouvert à tous contribuerait à réduire la fracture sociale qui divise la société.